Two colleagues talking about space management

Comment bien gérer la maintenance des bâtiments en période de crise et prévoir au mieux « le monde d’après »

Alors que la France a débuté son déconfinement, les entreprises doivent s'adapter à une situation inédite. Si certaines encouragent la pratique du télétravail pour la majorité de leurs collaborateurs, d'autres réintègrent progressivement les salariés dans leurs locaux. Les entreprises de première nécessité, restées ouvertes malgré le confinement, ont dû repenser leur organisation pour continuer leur activité. Mais quelle que soit l'activité des entreprises et la stratégie adoptée, le Facility Management et la maintenance des équipements et des bâtiments représentent un enjeu de taille.


Qu'ils soient ouverts au public, vacants ou partiellement accessibles, les sites nécessitent un minimum d'entretien et de maintenance. Dans le contexte actuel, il est plus que jamais nécessaire pour les parties prenantes d'évaluer les priorités, de collaborer et d'interagir dans la transparence. Comment gérer la maintenance des bâtiments en période de crise ? C'est à cette question que nous apportons des éléments de réponse, avec le témoignage de plusieurs acteurs de l'environnement de travail et de la prestation de services.


Pendant : recenser les besoins

Définir avec précaution les métiers et activités critiques de l’entreprise, puis identifier les sites qui vont être fermés ou non constituent la première étape. Selon qu’il s’agit de simples bureaux, d’installations de production, de centres informatiques ou de bâtiments destinés à accueillir du public, les usages vont varier fortement et exiger des modalités d’organisation différentes : comment se fera la circulation, quel sera le taux d’occupation moyen, où se situent désormais les risques ?

« En matière de préventif, l’activité a fortement augmenté »

Les services de Facility Management essentiels sont généralement la maintenance technique (resserrée autour des fonctions vitales de l’entreprise), la sécurité (le risque d’intrusion étant plus élevé pour un bâtiment moins occupé, voire inoccupé) et l’entretien général (avec une priorité aux prestations de désinfection). Peu de prestations « disparaissent » réellement, il s’agit plutôt d’adapter la fréquence.
Eric Morlaix, Responsable technique du centre administratif de la BRED, constate : « il reste environ 250 personnes sur les 1 300 habituelles, dont nous devons assurer la sécurité, ce qui a un impact significatif sur les prestations de ménage. Nous avons multiplié nos effectifs par 6, avec 6 personnes en permanence qui s’occupent de la désinfection, en journée, en plus du personnel qui intervient en règle générale. Les demandes d’interventions ont considérablement chuté, mais en matière de préventif, l’activité a grandement augmenté : la connexion réseau de nos collaborateurs en télétravail passe par les serveurs situés dans nos bâtiments. Les équipements de production (climatisation, électricité) pour les serveurs informatiques nécessitent donc une vigilance et un suivi particuliers ».


Faire preuve de collaboration au quotidien

L’objectif, prioritaire et partagé, de sécurité des personnes s’envisage désormais sous le prisme de contraintes complexes, inédites et fluctuantes. Dès lors, les outils de communication entre donneur d’ordre et prestataire doivent absolument favoriser le partage des informations clés concernant les actions de maintenance qui sont menées. Plus que jamais, les indicateurs opérationnels pertinents permettent aux entreprises de piloter la maintenance : rouvrir une aile du bâtiment, modifier la fréquence des travaux de désinfection, prévoir un vigile supplémentaire, etc.

« Cette crise ne doit pas être abordée dans la précipitation »

Dans ce contexte d’immense bouleversement et de forte incertitude, il est en effet essentiel de penser la maintenance et les services FM de manière collaborative, en impliquant dans les circuits de décision directeurs de l’environnement de travail, exploitants et prestataires. Une position adoptée par Francine Sarfati, Directrice de l’environnement de travail chez Siaci Saint Honoré : « nous avons toujours eu un contact très direct avec les exploitants de nos sites, et nos prestataires. […] Nous écoutons leurs conseils. […] Toutes les procédures et les protocoles de sécurité sont revus à chaque fois d’un commun accord. »

Une nécessité d’écoute et d’échange, en fonction des besoins, préconisée également par Corinne Colson Lafon, fondatrice de l’entreprise de Facility Management Steam’O : « Dans la situation actuelle, nous devons plus que jamais accompagner nos clients dans l’exploitation de leur site dans leur propre contrainte »

Cette crise doit être abordée, comme n’importe quelle situation critique de gestion de sites, non pas dans la précipitation, mais en favorisant les échanges en bonne intelligence avec l’ensemble des parties prenantes.


Assurer la pérennité des relations, dans la transparence

 D’un point de vue contractuel, il s’agit de faire preuve de compréhension face aux difficultés (d’approvisionnement, de mobilisation et protection des collaborateurs) auxquelles font face les prestataires dont les activités se poursuivent, mais aussi de conserver des relations de confiance avec ceux dont la charge doit diminuer. L’enjeu est bien de préserver un écosystème. Pour Latifa Hakkou, directrice de l’environnement de travail chez IPSEN Pharma et Secrétaire Générale de l’Arseg « [nos] prestataires font partie intégrante de notre chaîne de valeur. Nous souhaitons qu’ils soient en bonne santé, mais aussi qu’ils ne se retrouvent pas en situation de difficulté financière, qu’ils puissent rémunérer correctement leurs collaborateurs en chômage partiel ».

« Il est important de garder une certaine responsabilité vis-à-vis de l’entreprise prestataire et de leurs salariés. »

 Pour préparer une reprise adéquate, il est essentiel de pérenniser les activités des prestataires de services dans la durée, en définissant également les priorités. En effet, certaines activités du FM, comme l’entretien des locaux, vont augmenter de façon exponentielle lors de la reprise. Il s’agit d’anticiper au mieux les besoins afin de préparer le déconfinement plus sereinement.


Et après ? Penser le futur dès le début

L’ampleur sanitaire de cette crise implique une réflexion fondamentale sur le monde de demain : quels seront les impacts du déconfinement pour l’environnement de travail ? Tandis que les entreprises se préparent à redémarrer progressivement leur activité, il est nécessaire de définir les conditions de la réouverture et ce qu’elle implique. Pour Corinne Colson Lafon, « il est […] souhaitable de préparer le plan de reprise, avec une vision de reprise progressive. Comment vais-je rouvrir mon site demain ? Avec quelles conditions d’accès par rapport aux gestes barrières, que ce soit pour mes collaborateurs et pour les autres ? Et quelle maintenance renforcer ?  Telles sont les questions que nous avons à nous poser. »

« Comment pouvons-nous travailler différemment ? »

Sur un plan plus opérationnel, cette crise doit être l’occasion, pour toutes les parties prenantes, d’optimiser les process et tirer de précieux enseignements. Corinne Colson Lafon s’interroge déjà : « comment pouvons-nous travailler différemment ? Qu’est-ce que la maintenance digitale ? Est-ce que le transfert du travail à domicile ne va pas être une opportunité de travailler sur notre consommation d’énergie, voire sur de la maintenance prédictive selon les usages ?  ».

Au-delà son impact sur l’activité économique, cette crise a engendré une accélération de la digitalisation pour de nombreux secteurs. Il s’agit ainsi de mesurer l’impact de ces changements pour les prestataires, et plus globalement, d’autres services. Le contexte actuel nous invite à repenser  notre manière d’assurer l’activité. L’occasion de s’interroger sur les nouveaux métiers du Facility Management au sortir de la crise.

En effet, cette situation inédite, et certes difficile, est aussi l’opportunité d’inventer la maintenance et les services de demain !